La réforme des retraites : pour savoir vraiment de quoi on parle
- Mis en ligne par Emmanuelle Salle
- Le 05/12/2019
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Le chef de l’Etat a promis un système « plus juste» et «plus lisible», où « un euro cotisé donnera les mêmes droits à tous ».
Il ne souhaite pas mettre en place une nouvelle réforme qui se contenterait de modifier quelques paramètres pour renflouer les caisses – comme, par exemple, l’âge légal de départ ou la durée d’assurance. Il veut tout remettre à plat. En d’autres termes, il s’agit de faire une réforme non pas « paramétrique » mais « systémique ».
Le problème, c’est que le Comité d’Orientation des Retraites a annoncé en juin dernier un déficit cumulé d’environ 10 milliards en 2022.
La réforme ayant été prévue sur les bases d’un système à l’équilibre, il va bien falloir que des mesures soient prises d’ici 2025 – date prévue pour son entrée en vigueur. Le gouvernement va donc devoir faire une réforme « paramétrique » en même temps que la réforme « systémique ».
POURQUOI VOULOIR UN REGIME UNIVERSEL DE RETRAITE ?
Il existe aujourd’hui 42 régimes de retraite en France : salariés du privé, fonctionnaires, salariés des établissements publics (les « régimes spéciaux »), agriculteurs, travailleurs indépendants (artisans, commerçants, chefs, d’entreprise), professions libérales (médecins, avocats, architectes, experts-comptables, etc), marins, clercs de notaires, personnel de l’aviation civile …
La liste n’est pas finie ! Et à chacun ses propres règles, ou presque.
L’idée du président de la République est que ce soit les mêmes règles de cotisation et de calcul des prestations qui s’appliquent à tous les actifs.
COMMENT FONCTIONNERAIT CE REGIME UNIVERSEL ?
Un système non plus en annuités mais en points
Le calcul de la retraite ne ferait plus référence à des trimestres, comme la quasi-totalité des régimes de base aujourd’hui. On ne parlerait plus que de points.
Au moment du départ en retraite, le nombre de points accumulés serait multiplié par la valeur du point pour donner le montant de la pension – comme ce qui se passe aujourd’hui pour les retraites complémentaires.
Conséquence directe : la retraite se calculerait sur l’ensemble de la carrière, et non plus sur la base des « 25 meilleures années » (ou des 6 derniers mois pour les fonctionnaires).
Des cotisations unifiées
- L’assiette de cotisation :
Elle serait fixée à 120 000 € par an. Au-delà, les salariés ne cotiseraient qu’à hauteur de 2,8% – ce qui fait dire à certains commentateurs qu’il s’agit d’« un nouveau cadeau aux plus riches, digne de l’Ancien régime ».
Rappelons qu’actuellement, l’assiette de cotisation va jusqu’à 40 524 € en retraite de base et jusqu’à 324 192 € en retraite complémentaire.
En réalité, cette cotisation ne serait aucunement créatrice de droits à la retraite, elle serait versée à fond perdu. Loin d’être un cadeau, c’est donc un nouvel impôt qui taxerait les cadres les mieux rémunérés, au nom de la solidarité. Par ailleurs, ce système les obligerait à trouver eux-mêmes des solutions leur garantissant le même niveau de retraite qu’auparavant.
Dernière minute : Le haut-commissaire aux Retraites serait prêt à revenir sur ce principe, pour laisser temporairement aux cadres la possibilité de continuer à cotiser au-delà de 120 000 € en se constituant des droits. Serait mise en place une période de transition qui pourrait durer une quinzaine d’années.
- Le taux de cotisation.
Le taux de cotisation serait, pour tous, de 28,12% – ce qui n’est pas très éloigné du taux actuel des salariés du secteur privé (part salariale + part patronale).
En revanche, pour les travailleurs indépendants, les professions libérales et les exploitants agricoles, cela pose problème puis qu’ils ne cotisent actuellement qu’à hauteur d’environ 15%. Des aménagements seraient donc prévus pour eux, de façon à ce qu’ils ne subissent pas cette augmentation de plein fouet : Ils cotiseraient à 28,12% jusqu’à 40 000 €, puis seulement à 12,94% sur les revenus compris entre 40 000 et 120 000 €.
QUI, PRECISEMENT, EST CONCERNÉ ?
- Les personnes qui sont à moins de 5 ans du départ en retraite seraient exclues du champ d’application de la réforme.
En clair, cela signifie que seraient concernés tous les assurés nés à partir du 1er janvier 1963 – qui atteindront 62 ans à la date d’entrée en vigueur de la réforme en 2025 (exception : les assurés nés en 1963 mais qui relève des « longues carrières » et qui à ce titre, pourront partir de façon anticipée avant cette date).
Il est toutefois aujourd’hui envisagé que, dans certains régimes, la réforme soit appliquée uniquement aux affiliés les plus jeunes.
- Par ailleurs, l’ « âge pivot » envisagé par le gouvernement ne s’appliquerait pas dès l’entrée en vigueur de la réforme mais serait mis en place progressivement. Il ne serait donc pas appliqué à la génération 1963.
Rappelons qu’il s’agit de remplacer le critère de la durée d’assurance (un certain nombre de trimestres à avoir) par une notion d’âge à atteindre, pour l’obtention d’une retraite à taux plein. Cet âge pivot est encore en grande discussion.
- En tout état de cause, les droits déjà acquis seraient préservés.
La retraite serait calculée au prorata des droits acquis dans l’ancien et le nouveau système. Ce serait seulement à partir de 2040 qu’elle serait déterminée à 100% sur les nouvelles règles.
Contact : es@liaison-sociale.fr
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